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- Catégorie : Prédications
- Créé le dimanche 5 mai 2019 10:30
FAITES DES DISCIPLES !
Chabeuil, le 5 mai 2019 - Culte et Baptême
Chers frères et soeurs,
Si la tradition protestante n’a conservé que deux sacrements, le baptême et la Sainte-Cène, c’est que ce sont les deux seuls gestes que Jésus nous a demandé de perpétuer en son nom : partager le pain et le vin comme il l’a fait au soir du Jeudi-Saint (et comme nous le ferons tout à l’heure), et baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. C’est ce que nous venons de lire, et de faire pour L.
Ces quelques versets qui terminent l’évangile de Matthieu sont les paroles d’institution du baptême qui font autorité pour toutes les Églises chrétiennes. Et lorsque nous avons, avec ses parents A. et JB., lu quelques passages de la Bible qui évoquaient le baptême, c’est celui-ci qui leur parlait le plus. Il y avait dans leur désir de baptiser L. cette envie de répondre à cette instruction du Christ et de montrer par un signe concret leur conviction d’appartenir à cette grande famille des disciples de Jésus.
Et si j’ai choisi de prêcher sur ce texte aujourd'hui, c’est qu’il s’inscrit aussi parfaitement dans cette période d’après Pâques, cette période où, selon divers passages des évangiles, le Christ ressuscité est apparu en divers lieux et à diverses personnes, notamment à ses disciples qui avaient encore du mal à mettre des mots sur ce qu’ils venaient de vivre.
Dans ce passage, les onze disciples restant se rendent sur une montagne que leur avait indiquée Jésus, en Galilée. Et il est fidèle au rendez-vous, apparaissant à ses anciens compagnons qui hésitent alors entre joie des retrouvailles, vénération, mais aussi peur et incrédulité.
Et en quelques phrases, Jésus prend congé d’eux en leur donnant cette instruction : « Faîtes des disciples », et en leur promettant de rester à leurs côtés pour les seconder dans cette tâche. Une instruction qui clôt le récit de Matthieu, et que nous devons aussi entendre comme une instruction qui s’ouvre sur l’avenir, et qui nous est adressée, à nous, encore aujourd'hui.
Faites des disciples ! Plus facile à dire qu’à faire ! Et d’abord, comment fait-on des disciples ?
Si nous nous tenons au texte que nous avons lu, pour faire des disciples, il suffit de baptiser et de catéchiser. Mais cela n’est pas aussi simple.
Être disciple, dans l’antiquité, c’était être un élève. C’était choisir un Maître dont on partageait les idées, tout laisser et s’installer auprès de lui, ou le suivre si son enseignement était itinérant. Ensuite, il fallait l’écouter, le questionner et s’instruire dans son sillage. De nombreux philosophes grecs avaient leur groupe de disciples. Certains gourous influents de l’époque aussi.
Être disciple de Jésus, c’est donc accepter d’être son compagnon, de le suivre sur sa route, de demeurer avec lui lorsqu'il s’arrête, et de se mettre à l’écoute de son message. Et de s’en imprégner jour après jour. Non pas de l’apprendre par cœur, mais de chercher par analogie de quelle manière ce qu’il dit résonne pour nous personnellement. De quelle manière ce qu’il dit vient rencontrer ce que l’on vit, vient répondre aux questions existentielles que l’on se pose.
Être disciple, nous dit le texte, c’est avant tout accepter de se laisser baptiser, adopter et de se laisser enseigner. C’est lâcher prise et renoncer à être dans l’action, dans le faire, dans l’apprentissage forcé, dans la cogitation intellectuelle, pour être disponible à entendre, pour être réceptif au message et se laisser imprégner, travailler par lui.
Souvenez-vous de vos années d’école, de lycée, d’études ? Qu’avez vous le mieux mémorisé, qu’est-ce qui vous est utile encore aujourd'hui : ce que vous aviez appris par cœur quelques jours avant les examens, ou ce que vous avez découvert qui répondait à vos questions, qui vous ouvrait une autre vision des choses, qui nourrissait vraiment votre curiosité ? Vous souvenez-vous de ce qui un jour a fait naître votre vocation, celle qui vous a fait choisir vos études, votre métier, qui entrait en résonance avec vos passions, vos désirs et vos rêves pour l’avenir ? Vous souvenez vous de ce professeur qui vous a fait aimer telle ou telle matière ?
Il en est de même avec le message de l’Évangile. Inutile de bachoter pour être prêt à demander le baptême. Vous êtes libre d’intégrer ce cercle des disciples de Jésus, de répondre à l’invitation, et la, tranquillement, à votre rythme, vous pouvez, chacune et chacun, découvrir ce qui fait sens pour vous, ce qui nourrit vraiment votre conception de la vie. Écouter cet appel de Dieu, cette parole qu’il vous adresse depuis votre naissance. Découvrir le projet qu’il a pour votre vie.
Ainsi, faire des disciples ne veut pas dire enseigner, inculquer, transmettre. Ce n’est pas un endoctrinement. C’est inviter d’autres à rejoindre le cercle, à entrer dans ce compagnonnage. C’est faire les présentations entre eux et Jésus, leur offrir l’opportunité d’entendre eux aussi ce qu’il a enseigné. D'entendre quel est son message, son projet pour notre humanité. Pour toute l’humanité.
Ceci nous libère alors du poids d’un enseignement, d’une transmission, d’une « évangélisation » dont nous pourrions nous sentir chargés, d’une mission dont nous serions investis et qui nous dépasserait. De tout ce qu’en bref, avec notre foi encore pleine de questions, nous ne nous sentons souvent pas capables de faire.
Être disciple, c’est être élève. C’est se laisser enseigner, c’est se mettre à la suite de Jésus et l’écouter, se laisser toucher et transformer par ses paroles. Mais se laisser enseigner quoi ? Se laisser transformer par quoi ?
Si nous revenons à notre texte, la mission est explicite : « en leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit », ce qui veut dire que :
- premièrement, on n’enseigne pas directement une doctrine, on exige pas de mémoriser les paroles et les commandements du Christ par cœur et à les appliquer à la lettre. On apprend aux nouveaux venus à les « garder », c’est à dire à y être attentifs, à les découvrir, à se les approprier et à les considérer avec respect.
- et deuxièmement, on note que Jésus parle de ses commandements, de ce qu’il a prêché pendant son ministère sur terre. Et non pas de la Loi et des Prophètes, de l’ancienne Loi juive avec ses centaines d’injonctions, d’interdictions, d’obligations, de rites et de prières.
Souvenez vous de ces paroles du Christ à ce pharisien, docteur de la loi qui lui demandait :
« Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi?
Jésus lui répondit: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C'est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. (Mt 22,36-39) »
Voilà finalement le sommaire de tout ce que nous sommes censés découvrir, comprendre dans ce compagnonnage avec le Christ. Ce qu’il nous commande, c’est de nous écouter et d’écouter notre cœur. D'aimer Dieu comme on aime un père, avec notre cœur, notre pensée, et surtout avec notre propre ressenti. Lui parler avec nos mots, lui poser nos questions, lui faire confiance comme à un ami, un professeur. Et aimer notre prochain comme un frère, le respecter, le comprendre, être bienveillant et indulgent avec lui comme nous le sommes avec nous-mêmes.
Et respecter fidèlement ce commandement ne veut pas dire obéir aveuglement, mais le mettre en pratique parce que nous avons acquis la conviction que c’était là le secret d’une vie harmonieuse et libre sur cette terre.
« Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre » dit Jésus. Et cette autorité, vous l’avez compris, cela n’est pas celle d’un dictateur de nos consciences. C’est une autorité de compétence, comme l’était celle de vos instituteurs ou de vos professeurs. Les paroles du Christ, les témoignages qui nous sont rapportés dans la Bible font autorité dans nos vies car nous y trouvons du sens, et que nous y trouvons la réponse à nos préoccupations existentielles.
Et à ceux que cette mission effrayerait, Jésus dit encore « Et moi je suis avec vous jusqu'à la fin du monde ». Je suis encore là, présent, en Esprit et par mes paroles inscrites dans la Bible. Ainsi, ce n’est pas vous qui devez prêcher, convaincre et convertir. Invitez seulement les hommes et les femmes autour de vous, invitez vos enfants à venir me rencontrer, à entendre ce que j’ai à leur dire, et mes paroles feront le reste.
Alors se dévoile pour nous un des multiples sens du sacrement du baptême. Un sacrement n’a rien d’un acte sacré, magique… Un sacrement, c’est ce qui fait concrètement signe.
A., JB., en demandant le baptême pour L., et avant elle pour son frère L., vous adressez un signe à votre entourage, et au monde qui vous entoure : nous voulons que nos enfants fassent partie des disciples, de ce groupe que nous appelons l’Église chrétienne universelle, et dont la particularité est d’être une grande famille qui se reconnaît spirituellement d’un même père et maître d’enseignement.
Mieux que des mots, des explications qu’il vous serait compliqué de trouver, par ce signe matériel et concret, par ces quelques gouttes d’eau qui ont mouillé le front de vos enfants, vous attestez de votre conviction qu’ils sont nés deux fois : nés de leurs parents, et devenus enfants, et futurs disciples de ce Père que nous avons tous.
Et les engagements que vous avez pris, vous et les parrain-marraine, ne vous engagent à rien d’autre qu’à partager avec eux cette vie d’Église et cette lecture de la Bible pour témoigner à ces enfants du sens qu’elle a pour vous, et pour que progressivement s’éveille leur foi.
Et Dieu fera le reste, qui nous connaît, chacune et chacun par notre nom, qui nous appelle et qui nous parle dans le secret de notre cœur.
«Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus-Christ. » (Phi 4,7)
Amen
Quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
17 Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes.
18 Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Toute autorité m’a été donnée au ciel et sur la terre.
19 Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,
20 leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps. »
Texte TOB