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- Catégorie : Prédications
- Créé le dimanche 9 juin 2019 10:30
PENTECÔTE : UNE FÊTE PROTESTANTE ?
Actes 2, 1 à 11 - Genèse 11, 1 à 9
Culte de Pentecôte, Châteaudouble le 9 juin 2019
Chers frères et sœurs
Pentecôte était d’abord une fête juive. Elle est devenue une fête chrétienne. Catholiques, protestants et orthodoxes célèbrent ce jour qui fait mémoire du don de l’Esprit-Saint et de la naissance de l’Église. Mais que pouvons-nous entendre de neuf dans ce récit de Pentecôte entendu maintes et maintes fois ? Déconcertés ou perplexes, nous nous demandons, comme les spectateurs de l’époque, « qu’est-ce que cela veut dire ? »
Je vous propose ce matin de revisiter ce récit, et de nous attarder sur les mots, pour voir s’ils ne recèlent pas un autre sens. Comme souvent, ces manifestations surnaturelles et quasi-miraculeuses captent notre attention, au point de masquer ce vers quoi elles font signe symboliquement.
En ce jour à Jérusalem, on était venu de toutes les régions de Palestine, mais aussi de l’étranger pour fêter Chavouot, la fête des semaines. Autrefois fête des moissons, elle était devenue la fête du don de la Torah. Il y était fait mémoire du jour où, au sommet du Mont Sinaï, Moïse avait reçu les tables de la Loi lors d’une apparition tonitruante de Dieu, avec éclairs, tonnerre et voix forte. Avec ce don de la Loi était né le peuple d’Israël. Et chaque année, on ne faisait pas que faire mémoire de ce jour, on renouvelait l’Alliance que Dieu avait passé avec son peuple comme on renouvelle un contrat annuellement.
Et c’est au cours de cette même fête que Dieu va se manifester « tout feu, tout flamme » et avec grand fracas lors d’un événement qui va signer la naissance de l’Église. Notre Pentecôte chrétienne est aussi là non seulement pour faire mémoire, mais pour renouveler cette Nouvelle Alliance conclue par Dieu en Jésus-Christ, cette loi qu’il s’était promise de ne plus graver sur la pierre, mais sur la chair de nos cœurs.
Faut-il vraiment nous attarder sur les aspects matériels plutôt effrayants qui accompagnent cet épisode : le bruit, le grand vent, les langues de feu posées sur chaque tête ? Je ne crois pas, et d’ailleurs, le texte nous en dissuade qui nous dit « Tout à coup, il y eut un bruit COMME le souffle d’un violent coup de vent » ; « alors leur apparurent COMME des langues de feu » Ce « COMME » n’est-il pas le signe qu’il nous faut comprendre ces images au sens figuré, un sens symbolique qui pointe vers autre chose ?
Car ce qui se passe ensuite n’a plus rien d’effrayant. Chaque disciple se met à parler, sous l’influence de l’Esprit, d’autres langues. Et les pèlerins et les touristes présents les entendent, à leur grande surprise, chacun dans leur langue maternelle. Ainsi, dans ce joyeux brouhaha et avec l’aide de l’Esprit, tout le monde parle et tout le monde se comprend, malgré la barrière des langues. « Nous les étendons annoncer dans NOS langues les merveilles de Dieu. »
Beaucoup ont vu dans ce passage l’inverse du récit de la tour de Babel, que je vous ai relu. La boucle est bouclée ! Dieu craignait que les hommes ne se perdent en cédant au totalitarisme, à la tentation de se fondre en un seul peuple, une seule langue, une seule idéologie, une pensée unique. Il avait alors mis fin à ce projet en mélangeant leur langue, afin qu’il ne se comprennent plus. Alors qu’ici, l’inverse se passe. Il y a bien un seul message, mais énoncé dans une multitude de langues, et pourtant tout le monde se comprend, et chacun peut saisir le sens de cette Parole de Dieu.
Et c’est là que ce récit de Pentecôte nous transporte bien au-delà de cette tour de Babel, bien au-delà d’une interprétation qui ne ferait qu’expliquer la dimension « universelle » de l’Église qui naît ce jour-là.
A quoi pensez-vous lorsque l’on vous parle de votre propre langue, de votre langue maternelle ? Par définition, à la langue que vous avez entendu de votre maman, ou de vos parents. C’est avec cette langue que, petit enfant, vous vous êtes construits, vous avez appris à connaître le monde qui vous entourait, à communiquer avec d’autres personnes, vous avez posé vos premières questions, à l’âge des « pourquoi… ? ». Notre langue maternelle touche à ce qu’il y a de plus intime en nous. Et ce Dieu qui, par l’intermédiaire de l’Esprit, vient nous parler dans notre langue, ce Dieu nous rejoint dans ce que nous sommes profondément. Cette Parole, cette Bonne Nouvelle de Dieu que nous transmettent les Écritures est un message universel, mais qui est pourtant reçu inconsciemment par chacune et chacun de nous dans sa langue propre.
Nous touchons là l’une des caractéristiques de notre conviction de chrétiens : l’existence dans la foi est offerte à tous, mais chacun doit l’expérimenter individuellement, pour lui-même. Comme si nous avions chacun une langue propre, qui parle à notre être profond et que l’Esprit murmure à notre oreille.
Alors oui, je dis que Pentecôte est une chance. Car au lieu d’une Église qui se serait levée comme un seul homme derrière un leader, parlant d’une même voix, adhérant sans discernement à un message unique, une idéologie unique, un dogme unique, c’est une Église plurielle et composite qui est née. Une Église faite de personnes singulières, une Église qui se construit dans la diversité de ce que chacune et chacun nous entendons et comprenons grâce au « témoignage intérieur du Saint-Esprit » cher à Jean Calvin.
Et en extrapolant, nous pourrions presque affirmer que l’absence de Jésus-Christ, son départ à l’Ascension pour rejoindre le Père qui a rendu possible ce don de l’Esprit, cette absence est aussi une chance. Car si, comme les apôtres l’imaginaient, il était resté parmi eux, avait mené avec eux la libération d’Israël face à l’envahisseur Romain, s’il était monté sur le trône de David pour régner en souverain absolu, alors l’histoire aurait-elle pris le tour de cette soumission quasi-idolâtre à un chef, un leader spirituel, un gourou…
Mais il en fut autrement, et chacun, au lendemain de cette Pentecôte, nous pouvons comprendre que cette solitude, ce sentiment d’être orphelin que nous pouvons ressentir devant ce Dieu absent nous incite à nous installer dans un dialogue personnel et intime avec Lui, qui nous connaît et qui connaît notre propre langue, notre propre langage, et le chemin de notre cœur. Qui nous dit que nous sommes uniques, que nous avons une existence propre qui ne se confond pas avec celle d’une communauté, d’un groupe dans lequel nous devrions nous fondre.
Alors bien sûr, vous allez-me dire, la nature a horreur du vide. Bien vite, cette Église naissante a du faire « corps » pour s’émanciper dans des contextes qui ne lui étaient pas favorables. Et de chercher presque instinctivement à se doter d’un leader, d’un chef, d’un garant de l’authenticité de son message et de sa transmission. Il y eu Pierre, puis une succession de papes qui endossèrent cette responsabilité. Construire des églises en pierres, des bâtiments, parler une seule langue, le latin en l’occurrence, condamner la pensée individuelle pour prôner une adhésion unanime à un dogme établi… cela ne vous rappelle rien ? L’histoire d’une tour ? A Babel ?
Et c’est pourquoi je me dis que cette fête de la Pentecôte pourrait aussi être celle de la Réforme, de la naissance de nos Églises protestantes. D’abord parce que le témoignage du Saint-Esprit y est attesté, que ce soit à travers la lecture inspirée des Écritures, ou le témoignage direct de l’Esprit que mettent en avant les Églises charismatiques ou pentecôtistes justement.
Mais je ne peux m’empêcher de voir aussi dans les intuitions de Martin Luther tout ce que nous avons découvert dans ce texte : sa volonté de vouloir faire traduire la Bible dans la langue de chaque pays, son refus de renier ce que lui dictait sa propre conscience, son refus de se ranger derrière une pensée unique, en affirmant que chacune, chacun nous pouvons entendre et comprendre des choses différentes dans la Bible sans que cela soit source de critique ou de condamnation.
Oui, quelque part, cette Pentecôte vient sceller cette Nouvelle Alliance promise par Dieu, celle par laquelle il grave ses commandements sur le cœur de chacun, cette nouvelle Alliance scellée dans le sang de son fils mort, ressuscité et monté au ciel, pour que son absence nous laisse, à chacune et à chacun, la liberté et la responsabilité de construire notre foi comme nous l’entendons… de l’Esprit.
Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende…. Mon frère, ma sœur, écoute, Dieu te parle !
Amen
1 Lorsque le jour de la Pentecôte arriva, ils étaient tous ensemble dans le même lieu.
2 Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un souffle violent qui remplit toute la maison où ils étaient assis.
3 Des langues qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres leur apparurent ; elles se posèrent sur chacun d’eux.
4 Ils furent tous remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer.
5 Or il y avait en séjour à Jérusalem des Juifs pieux venus de toutes les nations qui sont sous le ciel.
6 Au bruit qui se produisit, la multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue.
7 Ils étaient hors d’eux-mêmes et dans l’admiration, et disaient : Voici, ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens
8 Comment les entendons-nous chacun dans notre propre langue maternelle
9 Parthes, Mèdes, Élamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, l’Asie.
10 la Phrygie, la Pamphylie, l’Égypte, le territoire de la Libye voisine de Cyrène, et ceux qui sont venus de Rome, Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes.
11 nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu
12 Tous étaient hors d’eux-mêmes et perplexes et se disaient les uns aux autres : Que veut dire ceci
13 Mais d’autres se moquaient et disaient : Ils sont pleins de vin doux.
Genèse 11, 1-9
1 Or, toute la terre parlait un même langage avec les mêmes mots.
2 Partis de l’orient, ils trouvèrent une vallée au pays de Chinéar, et ils y habitèrent.
3 Ils se dirent l’un à l’autre : Allons ! faisons des briques et cuisons-les au feu. La brique leur servit de pierre, et le bitume leur servit de mortier.
4 Ils dirent (encore) : Allons ! bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet (touche) au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas disséminés à la surface de toute la terre.
5 L’Éternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes.
6 L’Éternel dit : Voilà un seul peuple ! Ils parlent tous un même langage, et voilà ce qu’ils ont entrepris de faire ! Maintenant il n’y aurait plus d’obstacle à ce qu’ils auraient décidé de faire.
7 Allons ! descendons : et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus le langage les uns des autres.
8 L’Éternel les dissémina loin de là sur toute la surface de la terre ; et ils cessèrent de bâtir la ville.
9 C’est pourquoi on l’appela du nom de Babel, car c’est là que l’Éternel confondit le langage de toute la terre, et c’est de là que l’Éternel les dissémina sur toute la surface de la terre.
Texte : Traduction Œcuménique de la Bible